Les poissons sont aussi victimes des insecticides tueurs d’abeilles

Une étude dans la revue « Science» montre que le recours aux néonicotinoïdes dans les rizières a provoqué l’effondrement d’une pêcherie.

Auteur: STÉPHANE FOUCART

Source: LeMonde.fr

Publié le 31 octobre 2019 à 19h00

Remarque de l’administrateur du site: il ne reste plus aux pêcheurs qu’à demander l’assistance du lobby des chasseurs pour faire voter une loi, interdisant l’usage des néonicotinoïdes par les agriculteurs (pesticide qui a fait disparaître la faune dont les oiseaux de la campagne). Les organisations écologistes n’avaient pu influencer les parlementaires, c’est le lobby des chasseurs qui s’en ai chargé, et avec quelle efficacité !

Autorisés dans les année 1990 par toutes les grandes reèglementaires de la planète, les néonicotinoïdes sont devenus en quelques années les insecticides les plus utilisés en agriculture. Un quart de siècle plus tard, les études .se sut­ cèdent qui ‘documentent l’am­ pleur des dégâts environnementaux souvent irréversibles, qu’ils ont provoqués. Dans une étude publiée jeudi 31 octobre par la revue Science, des chercheurs nippons conduits par Masumi Yamamuro (université de Tokyo._service géologique du Japon) montrent, pour la première fois, que l’introduction des néonicotinoïdes peut précipiter l’effondrement abrupt de pêcheries lacustres, en fragilisant l’écosystème aquatique.

Les chiffres sont impressionnants. L’introduction du premier néonicotinoïde (l’imidaclopride) dans les rizières de la pré­ fecture’ de Shimane, en 1993, a si­ gnifié pour les pêcheurs du lac Shinji un effondrement radical des captures de deux espèces commerciales importantes : l’anguille japonaise (Anguilla japonica) et tin poisson très con­ sommé sur l’archipel, le wakasagi (Hypomesus nipponensis). Avant 1993, on capturait en moyenne 24 tonnes annuelles wakasagi dans ce grand lac du sud-ouest du pays, contre 22 tonnes – dans les années suivantes, s0it une baisse de plus de 90 %. De même, les prises d’anguilles sont passées d’un peu plus de 42 tonnes par .an en moyenne avant 1993, à moins de 11 tonnes par an ensuite. Soit une chute de 75 %.

Pour établir le lien entre l’introduction des néonicotinoïdes et l’effondrement de la pêcherie de Shinji, les chercheurs japonais ont analysé plus de vingt ans de données issues de la surveillance de la qualité des eaux du lac ainsi que des cours d’eau qui l’alimentent après avoir traversé les rizières alentour En particulier, ils ont mesuré les teneurs en imidaclopride ont pu suivre l’évolution d’abondance des petits organismes aquatiques (larves d’insectes, crustacés et autres invertébrés)· qui peuplent le lac et qui forment l’un des socles de la chaîne alimentaire de son écosystème. Ces organismes sont très vulnérables à l’action des néonicotinoïdes. Pour les chercheurs, (la réduction d’abondance de ces nombreuses espèces benthiques et pélagiques ne peut être expliquée par d’autres facteurs », que le recours à ces pesticides

La réponse de l’écosystème à l’introduction de l’imidaclopride a été (importante et incroyablement rapide»,écrit, dans un commentaire publié par Science, l’écologue Olaf Jensen (université Rutgers, New Jersey), qui n’a pas participé à ces travaux. « Les pesticides néonicotinoïdes ont été utilisés pour la première fois en 1993 dans les rizières environ­nant le lac Shinji,ajoute M.Jensen Les arthropodes aquatiques se sont effondrés cette même année, rapidement suivis par les espèces de poissons qui s’en nourrissent. »

Chaine alimentaire rompue

Le lien de causalité est étayé par le fuit qu’une autre espèce, qui ne se nourrit pas d’invertébrés mais de microalgues, n’a pas été affectée par le recours aux néonics au cours de la période étudiée. La rapidité de la réaction de l’éco­ système lacustre à l’introduction de cette nouvelle classe de pesticides qui s’attaquent au système nerveux des insectes, très actifs à faible dose, est d’autant plus frap­pante qu’en 1993, seulement une centaine de kilos d’imidaclopride ont été utilisés par les riziculteurs de la préfecture de Shimane. Ils ont été capables, à eux seuls, de rompre la chaine alimentaire de l’écosystème. Or; selon les donc nées colligées par M. Yamamuro et ses collègues, entre 1993 en 2016, l’intensité du recours aux néoni­cotinoïdes a été multiplié par 35.

On peut suspecter que d’autres pesticides peuvent être détectés dans les eaux du lac et leur évolu­ tion dans le temps n’est pas préci­ sée, objecte toutefois l’écologue Caspar Hallmann (université Radboud, à Nimègue aux Pays-Bas). Néanmoins, je pense que les auteurs présentent des arguments convaincants et rassemblent des données empiriques cruciales pour confirmer la ‘ haute toxicité, déjà bien établie en laboratoire, de ces composés pour la vie aquatique.  » Données d’autant plus cruciales que, rappelle Olaf Jensen, « s’agis­sant des pêcheries et des poissons d’eau douce, les données sont notoirement déficientes »

Le cas du lac Shinji pourrait donc être très répandu, mais (( on ne voit pas les problèmes si on ne fait pas de recherche », ajoute le chercheur américain.  Le riz est l’une des trois principales céréales cultivées dans le monde, précise- t-il. Les semences de riz enrobées de néonicotinoïdes sont largement utilisées et plus de 90 % du produit appliqué en enrobage finit dans le sol ou dans l’eau. » Des effets observés à l’échelle de l’écosystème, ont aussi été mis en évidence aux Pays-Bas en 2014 : non pour les poissons, mais pour les oiseaux. Dans les zones où les eaux de surface affichent des taux d’imidaclopride supérieur à vingt milliardièmes de gramme par litre, les populations des passereaux insectivores déclinent en moyenne de 3,5 %par an. Soit, en deux décennies, une réduction de moitié du nombre d’oiseaux.

Auteur: STÉPHANE FOUCART