Fascias, ces tissus conjonctifs qui fonctionnent comme de puissants élastiques.

Auteur : Christopher McDougall. Livre : Tous des héros 

AUTRES SOURCES

Auteur Christopher McDougall.  Aux éditions Paulsen :  Livre « Né pour courir »

Auteur : Eric ORTON Livre sur la technique de course aux éditions Paulsen. Livre : Cool Impossible

NB: Eric ORTON a été le coach de Christopher McDougall pour la préparation physique et l’entrainement à la technique de course minimaliste avant son expédition chez les tarahumaras au Mexique.

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»» Article sur « Né pour courir » (même auteur)

Tissus conjonctifs

Les tissus conjonctifs possèdent trois principaux constituants : les fibres (élastiques et collagéneuses)1, la substance fondamentale et la cellule
On trouve dans les tissus conjonctifs trois types de fibres dont les fibres élastiques (0,2 à 1 micromètres de diamètre)
Elles offrent une capacité d’extension et de contraction (120 à 150 %), tout en conservant une grande résistance. On observe deux constituants :
un composant amorphe : l’élastine, scléroprotéine, polymère insoluble, hydrophobe, précurseur de la tropoélastine, ainsi qu’un composant fibrillaire : fibres oxytalanes, renfermant du collagène VI et des lipoprotéines.

Les grecs ont appris à exploiter l’incroyable force dissimulée dans nos tissus conjonctifs, qui sont beaucoup plus efficaces et puissants que les muscles.

Pour ce qui est de la force brute, les muscles ne sont que des seconds couteaux. La véritable puissance provient de notre fascia profunda, le tissu conjonctif qui couvre nos muscles et nos organes. Jusqu’à une date récente, le fascia était jugé aussi accessoire que la pellicule gluante autour du blanc de poulet.
Mais, en 1999, alors qu’il assistait à la dissection d’un cadavre, Myers avait été intrigué par cet « infâme truc caoutchouteux qui se trouve sous la peau », selon ses propres termes. Les anatomistes qui travaillaient avec lui le découpaient sans hésitation pour avoir une vue aussi dégagée que possible des muscles qu’il recouvre. Or, il y en avait partout et s’en débarrasser n’était pas facile. À certains endroits, c’était aussi costaud qu’un pneu de voiture.


« Et si c’était un peu plus que de la peau de saucisson ? » se disait Myers. Il y avait un moyen d’en avoir le cœur net. « Tout ce que j’avais à faire, c’était de tourner mon scalpel d’un quart de tour sur le côté. » Au lieu de le découper, il se mit à le séparer délicatement de la peau et des muscles. Quand il eut terminé, il se trouva face à une espèce de combinaison de plongée mal dégrossie. Myers découvrit avec surprise qu’il ne s’agissait pas d’une simple couche de tissu lisse, mais de fibres et de câbles entrelacés, un inépuisable système de transmission des forces.
Vu au microscope, le maillage semblait aussi résistant et élastique qu’un réseau de tendeurs.


Ce quart de tour du poignet fut pour Myers à l’origine d’une autre surprise : à l’intérieur, votre corps a la même forme que l’ADN. Le fascia relie les muscles les uns aux autres, formant deux spirales qui vont des pieds au sommet du crâne en s’enroulant l’une sur l’autre, comme le sillage d’une double hélice. Résultat : votre corps fonctionne comme un arc à poulies. Un tissu hyperextensible relie votre pied gauche à votre hanche droite, votre hanche droite à votre épaule gauche et c’est plus résistant qu’aucun muscle.
« Pensez à une échelle en torsion sur elle-même », explique Myers. La spirale du fascia s’enroule autour de votre abdomen, plonge vers vos hanches puis vers vos jambes et vos pieds, où elle décrit une boucle sous la voûte plantaire, à la manière d’un étrier. La prochaine fois que vous verrez le basketteur LeBron James décoller du parquet pour aller smasher, observez-le avec les yeux de Tom Myers. Alors que tout le monde se focalise sur le ballon qu’il tient à bout de bras, Myers braque son attention sur la façon dont ce bras s’étire loin en arrière, sur ses orteils pointés vers le haut au bout de sa jambe libre, sur l’écartement des doigts de la main vide. Pris un par un, ce sont des détails insignifiants. Ensemble, ils forment le système de mise à feu de cet acte explosif et sont aussi dépendants les uns des autres que la flamme, la mèche et la poudre.
Une minute ! Les doigts… Je conçois à la rigueur qu’ils contribuent à l’équilibre, mais de là à jouer un rôle dans la détente verticale…

La force élastique est l’une des obsessions de Steve parce que les combattants n’ont pas droit à l’erreur. Sur le ring, quand on n’a plus de jus, tout est fichu, même quand on est l’homme le plus fort du monde. Voilà pourquoi des colosses comme Sonny Liston, boxeur poids lourd de légende, passait autant de temps à sauter à la corde que devant le sac de frappe. « Sautiller, rebondir, esquiver… Tout ça doit se faire avec l’énergie gratuite qui vient du fascia, pas des muscles », explique Steve. Faites-le correctement et vous pourrez pogoter pratiquement sans utiliser votre force musculaire. Liston pesait cent kilos et a remporté les trois quarts de ses combats professionnels par KO, mais il était capable de bouger les pieds aussi vite qu’une ballerine et s’y entraînait le plus souvent sur Night Train, de James Brown.

Regardez leur pieds, ils attaquent toujours par l’avant du pied !

videos:
https://www.youtube.com/watch?v=ubTxayOwBps
https://www.youtube.com/watch?v=K8jH4wzH1rU

Ressources:
http://www.menshealth.com/fitness/understanding-your-muscles
http://www.eadconcept.com/
Frédéric Brigaud

Ainsi, la piste barcelonaise qui accueillit les championnats d’Europe du 27 juillet au 1er août 2010 a été fabriquée par Mondo, « Mondotrack FTX », à partir d’une surface synthétique à base de caoutchouc synthétique et de charges minérales et considérée comme la plus rapide jamais développée.

– Pour beaucoup, le fitness se résume à soulever des haltères pour faire de la gonflette, dit Myers. Mais à quoi ça prépare ? Je dirais que ça (il enfonce une touche de son ordinateur pour faire apparaître une photo), c’est quelqu’un de mieux préparé physiquement qu’un bodybuildeur.
Sur l’écran, on peut voir un bébé sur le dos, tenant un biberon avec ses mains et ses pieds. Comme Bruce Lee, le nouveau-né utilise son fascia pour faire ce dont ses muscles sont incapables.
– Vous êtes fit quand vous êtes capables de vous adapter à votre environnement avec aisance et imagination, conclut-il.
Un bébé plus fit qu’un bobybuilder ? Difficile à croire… mais il y a plus étonnant encore à propos du fascia.

C’est une histoire de posture et de rythme, a expliqué Schleip. Votre corps fonctionne de la même façon. Quand vous êtes aligné, vos tissus élastiques emmagasinent cette énergie et la restituent. Mais, quand vous perdez l’équilibre, tout s’arrête. Pour la santé, pour la force, les conséquences sont énormes.
Schleip a été le premier à comprendre comment placer des capteurs à ultrasons sur le fascia d’un sujet vivant, ce qui lui a permis d’y découvrir quelque chose de stupéfiant : des terminaisons nerveuses. Le fascia n’est pas qu’un paquet d’élastiques inertes, c’est un réseau de récepteurs qui collecte des informations en provenance de tout l’organisme et les transmet au cerveau. Le fascia possède la même sensibilité
que la langue ou les yeux, peut-être même plus, puisqu’il reçoit des informations de tout le corps.
– Le fascia réagit et se souvient, dit Schleip. Chacun de vos mouvements est une expérience scientifique. Si ça marche – si, par exemple, vous réussissez un shoot en suspension alors que vous tirez la langue, cette expérience devient une habitude. Chaque habitude correspond à une posture. Avec le temps, la posture devient structure. Le tissu conjonctif est le saint-bernard de l’organisme : il est lent et fidèle. Une fois qu’il est en place, il y reste.
Voilà pourquoi on est capable de reconnaître un ami de loin, avant même d’avoir vu son visage. Francisco Varela, biologiste à Harvard, appelle le fascia « l’organe de la forme », parce qu’il façonne votre posture caractéristique. Essayez de redresser les épaules ou de changer votre démarche et vous sentirez vite un déséquilibre, mais aussi un trouble émotionnel. Le fascia repère votre position dans l’espace. Il est plein de terminaisons nerveuses qui contribuent à votre équilibre et renseignent directement la zone du cerveau qui conditionne la peur, c’est-à-dire le complexe amygdalien.

Tous les mouvements auxquels le fascia est habitué paraissent apaisants, gratifiants, efficaces. Pour les désapprendre, comme vous le diront tous les entraîneurs de baseball et les maîtres de ballet, c’est la croix et la bannière. Même s’ils sont nécessaires ou logiques, les nouveaux gestes semblent clocher.
– Ce ne serait pas un terrible handicap pour l’évolution de l’espèce ? dis-je. Les humains s’adaptent extrêmement bien, pourquoi le fascia a-t-il tant de mal à le faire ?
– Parce que cela nous aurait tués, répond Schleip.
Pendant la majeure partie de l’existence de notre espèce, c’est la constance qui a garanti notre survie. Avant d’avoir des arcs et des flèches, nous dépendions des tissus élastiques de nos jambes, des capacités de refroidissement de nos glandes sudoripares et de notre peau glabre pour traquer d’autres animaux jusqu’à ce qu’ils tombent d’épuisement. Nous étions capables de poursuivre les antilopes pendant des heures dans la savane en attendant que la surchauffe les terrasse. Dans cette course à la survie, le bricolage n’a pas sa place. Soit vous trouvez la bonne foulée, soit vous disparaissez. C’est resté vrai jusqu’à ce que nous trouvions le moyen de faire de cette force élastique une arme encore plus efficace.

« L’être humain est un formidable lanceur. Cette capacité à lancer des projectiles à grande vitesse avec une incroyable précision fait de nous un cas unique dans toute la Création. » Voilà ce que dit le Dr Neil Roach, de l’université George Washington, auteur d’une étude réalisée en 2003 qui a permis d’expliquer pourquoi nous sommes les seuls parmi les primates à être capables de tuer nos proies de cette façon.
Ce n’est pas seulement grâce à nos muscles. Les chimpanzés sont des athlètes extraordinaires et proportionnellement plus forts, mais, bien qu’ils soient génétiquement nos cousins les plus proches, ce sont de piètres lanceurs. On peut le leur apprendre, mais la vitesse de leurs projectiles ne dépassera jamais les trente kilomètres par heure. C’est un jeu d’enfant, même pour un joueur de baseball débutant. Un garçon de 12 ans est capable de lancer trois fois plus fort et avec beaucoup plus de précision.
Alors, qu’est-ce qu’on a de plus que les chimpanzés ? Une épaule pleine d’« infâmes trucs caoutchouteux » : fascia, ligaments et autres tendons extensibles.

Armer votre bras, c’est comme tirer sur l’élastique d’un lance-pierre

« Armer votre bras, explique Roach, c’est comme tirer sur l’élastique d’un lance-pierre. Quand cette énergie est libérée, elle entraîne une rotation très brutale du bras. C’est le mouvement le plus rapide que le corps puisse produire : il peut atteindre neuf mille degrés [de rotation] par seconde chez un lanceur de baseball professionnel ! » Un tel lancer ne se résume pas à un effort musculaire. C’est une libération de forces élastiques qui se déroule en trois phases :
1 – Avancer le pied opposé à la main qui lance.
2 – Faire pivoter les hanches, puis les épaules.
3 – Fouetter par extension des articulations du bras, du poignet et de la main.

« Nous n’avons pas toujours été équipés de tels propulseurs, ajoute Roach. Il y a deux millions d’années, nos ancêtres ont subi quelques évolutions structurelles qui nous ont fait passer du statut de grimpeur-cueilleur à celui de catapulte vivante : notre taille s’est élargie, nos épaules se sont un peu abaissées, nos poignets sont devenus un peu plus souples et nos bras, un peu plus adaptés à la rotation.
Quand nous avons pigé comment utiliser cette puissance élastique et comment la transmettre à un bout de bois, nous sommes non seulement devenus la créature la plus meurtrière au monde, mais aussi la plus intelligente.

Christopher McDougall. Livre : Tous des héros